Le département de rythmologie de l’hôpital de la Salpétrière a beaucoup contribué à l’évolution des traitements antiarythmiques. Il y a été fondé au début des années 1970, dans le service du Pr Yves Grosgogeat, par le Dr Guy Fontaine, rejoint en 1973 par le Dr Robert Frank à une époque où la rythmologie était débutante, avec quelques centres en France. Couplé à une des premières unités de surveillance monitorée, on y pratiquait déjà l’implantation des stimulateurs cardiaques, des explorations électrophysiologiques par cathéter, et enfin la recherche de traitements pharmacologiques. Ces médecins ont étés les pionniers des méthodes ablatives, d’abord chirurgicales avec le Pr Guiraudon dans le service du Pr Cabrol, pour la section de voies accessoires de conduction dans le cœur, puis pour la localisation et la section des tissus ventriculaires entretenant des tachycardies ventriculaires, interventions qui ont fait la réputation internationale de l’équipe. Elles ont aussi permis de faire reconnaitre par la communauté médicale une maladie méconnue du ventricule droit, la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, souvent génétique, cause de tachycardies et de mort subite du sujet jeune, en particulier sportif.
Les méthodes d’ablation par cathéter sont aussi nées dans le centre grâce à un « heureux hasard ». Ce fut le rapport en 1978 d’un cas de bloc auriculaire inhabituel. Il avait été provoqué par l’énergie d’un choc de défibrillation externe conduite accidentellement par un cathéter sur le faisceau de His, voie de conduction des oreillettes vers les ventricules. Cela a donné l’idée d’appliquer cette énergie pour créer volontairement ce bloc dans certaines tachycardies, puis sur les voies accessoires, et sur les tachycardies ventriculaires sans avoir besoin du chirurgien. Ces ablations par cathéter ont débuté en 1983 à la Salpétrière, sous le nom de « fulguration », comme dans d’autres centres spécialisés dans le monde et se sont substituées aux interventions chirurgicales. Peu répandue du fait de sa complexité, la méthode a été remplacée en 1990 par celle, plus simple et toujours actuelle, d’ablation thermique par radiofréquence.
En 1978 l’unité a été autonomisée à l’hôpital Jean Rostand d’Ivry sous la direction des mêmes responsables, accompagnés d’autres rythmologues, avec des installations nouvelles, informatisées, et de nombreux stagiaires étrangers. Elle y a poursuivi ses activités d’implantation des stimulateurs, premier centre de l’assistance publique, et de traitement des troubles du rythme complexes par ablation, chirurgicale puis endocavitaire. Elle a participé aux nombreuses innovations technologiques survenues au fil des années, comme l’emploi de cryoélectrodes, ou récemment de l’électroporation électrique. La plus spectaculaire a été en 1995 la technologie permettant d’établir des cartes d’activations électriques 3D cardiaques, ne laissant qu’un rôle complémentaire aux images radiologiques. Elles ont permis de localiser exactement la position des sondes dans les volumes cardiaques et de mieux analyser les zones arythmogènes, retrouvant en cela l’ancienne expérience de la chirurgie cardiaque.
En 2002, le service a été intégré au département de cardiologie du nouvel institut de cardiologie de la Pitié Salpétrière encore sous la direction du Dr Robert Frank, puis du Dr Françoise Hidden-Lucet et depuis 2021 du Pr Estelle Gandjbakhch. Au long de ces années, répondant aux besoins médicaux et aux évolutions technologiques, l’unité a été agrandie (25 lits dont 12 de soins intensifs rythmologiques), équipe médicale et paramédicale s’est étoffée, de nouvelles salles interventionnelles ont été ouvertes, pour répondre au nombre croissant d’indications d’ablation des troubles du rythme (moins de 500 ablations /an en 2010 à plus de 1200 actuellement), soit le plus grand centre public d’ïle de France et le 6ème à l’échelle nationale, privé et public confondus. La réunion dans un même bâtiment des services de réanimation, de cardiologie interventionnelle, de chirurgie cardiaque, de transplantation cardiaque et de rythmologie permet la prise en charge concomitante de patients extrêmement complexes à plusieurs équipes. Parallèlement, l’unité de cardiologie ambulatoire simplifie la prise en charge des interventions simples (rajouter combien d’actes de rythmo sont faits en ambu). L’organisation d’une plateforme de télésurveillance des stimulateurs et des défibrillateurs implantables (nombre de prothèses suivies) a permis d’optimiser la sécurité des patients tout en limitant les consultations de routine. Toutes les interventions de rythmologie simples et complexes y sont pratiquées. L’unité dispose des trois systèmes de navigation en 3D commercialement disponible, et est un centre pilote dans lequel sont déployés les dernières innovations technologiques des industriels. L’ablation de fibrillation atriale par électroporation est réalisée depuis cette année. L’unité est un centre de recours pour l’ablation des tachycardies ventriculaires, interventions qui peuvent être particulièrement complexes. Elle est également un centre de recours pour les extractions de matériel, en collaboration avec la chirurgie cardiaque. L’équipe a également développé des thématiques de recherche et interventionnelles coopératives dans différents domaine : génétique des cardiomyopathies, ablation hybride de la fibrillation atriale (intervention microchirurgicale et endocavitaire en double équipe dans le même temps opératoire), tout en gardant son rôle référent dans le domaine de la dysplasie du ventricule droit dont la plus grosse cohorte française reste suivie dans le service, et des orages rythmiques de troubles du rythme ventriculaires pour lesquels la Pitié-Salpétrière est un centre de recours.